vendredi 29 août 2008



Voici le texte complet :

Seigneurs, au temps du roi Athur qui était si valeureux, vivait en Grande Bretagne un roi qui gouvernait un très puissant royaume. C'était le roi de Cavalon, qui était plus beau qu'Absalon, comme l'atteste Le Conte du Graal. Ce roi, vaillant et loyal, puissant et entouré d'amis avait une fille de grand mérite. La jeune fille s'appelait Lidoine. Il n'y avait jusqu'au port de Macédoine aucune femme qui l'égalât en beauté, et toute autre jeune visage comparé au sien eut semblé la disgrâce même. C'est pourquoi il me plaît de faire d'elle un beau portrait. C'était le plus aimable rejeton auquel dieu ait jamais donné vie ; je crains de ne pouvoir parvenir à décrire une telle créature : car le jeune fille avait des traits harmonieux, et les cheveux plus dorés que les ailes d'un loriot. Elle avait un front haut, pur et régulier. Les sourcils étaient bruns et point trop mal dessinés : ils étaient même si beaux qu'on les eût dit tracés à la main ; ils étaient légèrement étirés vers les tempes et bien écartés. Ses yeux, à vrai dire, avait une expression si subtile que la flèche de son regard aurait bien transpercé l'épaisseur de cinq écus, triomphant ainsi du cœur caché dans la poitrine. Du regard d'un œil si pénétrant, je vous assure qu'il vaut mieux se préserver : nul n'aurait pu la regarder sans être embrasé d'amour. J'ai entendu tant de louanges à son sujet que je vais vous rapporter un prodige : elle avait le tient frais et plus vermeille que la rose des prés ; celui qui créa un être si beau avait le goût délicat et sûr. La nature se montra pour elle plus prodigue qu'elle ne le fut sûrement jamais : elle avait le nez fin et droit, une belle bouche et les dents très blanches ; quand sa langue se déliait, ses dents avaient, semblait-il, l'éclat de l'argent. Pour mieux séduire les gens, elle avait une gorge divine, plus lumineuse que la neige ou le cristal ; son cou était long, blanc et droit. Si à cet instant même je l'avais sous les yeux en chair et en os, je ne pourrais pas mieux décrire sa beauté. Qui aurait pus la voir en réalité, l'eut-il contemplé à loisir, ne l'aurait jamais mieux décrite que moi : j'ai seul ce privilège. Si elle avait un joli visage, agréable à tout le monde, elle avait aussi un corps plus gracieux que ne l'avait Lorete de Brebraz. La jeune fille avait de belle épaules, de jolis bras et des mains fines qui ne restaient pas inertes quand l'occasion de donner se présentait. La jeune fille était douée de tant de qualités que l'homme qu'elle aurait enlacé de ses bras si blancs aurait été guéri à jamais de tous ses maux.

Il s'agit d'un extrait de Méraugis de Portlesguez écrit par Raoul de Houdenc, vers 1220.
Pas mal, non ?